L'irrationalité d’investir pour le dividende
- LeFinanciste

- 10 juin 2022
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 sept.
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Vous connaissez sans doute quelqu’un dans votre entourage ou dans votre « foursomes » de golf qui vous vantera les mérites de sa stratégie d’investissement. Je veux m’attaquer ici à la stratégie très prisée de l’investissement basé sur les actions versant un dividende, ou présentant une croissance constante du dividende. Plusieurs ne jurent que par cette approche et je ne peux que remarquer qu’il existe un culte du dividende sur le web. Mon rôle ici est de tenter de rééquilibrer le débat et de partager avec vous des arguments rationnels pour démontrer l’irrationalité d’investir seulement dans les actions à dividendes élevés.
Qu’est-ce que la stratégie d’investissement mettant l’accent sur les dividendes?
Vous pouvez facilement trouver des livres, des vidéos ou des formations un peu partout sur l’investissement mettant l’accent sur les dividendes. On vous y présentera une liste de compagnies (très souvent canadiennes) présentant des versements de dividendes élevés. Très fréquemment, on vous présente aussi des ratios de comparaison du dividende par rapport aux bénéfices et flux monétaires de l’entreprise.
Cette stratégie vise à regarder et à donner une valeur à la stabilité du dividende depuis plusieurs années et même mieux (selon les adeptes de cette approche) à la croissance régulière du dividende dans le temps. Dans une vision rationnelle des marchés, le passé d’une société ne garantit pas son avenir alors, ces observations devraient être prises avec un grain de sel et surtout, elles ne devraient pas fonder la base de votre avenir financier.
Le dividende n’est pas un revenu fixe qui tombe du ciel.
Le dividende n’est pas de l’argent gratuit qui tombe du ciel et atterrit dans votre compte de banque mensuellement ou trimestriellement. Le dividende doit provenir directement des bénéfices et des flux de trésorerie de l’entreprise que vous détenez. Les bénéfices font partie intégrante de la valeur d’un titre. Si vous les distribuez aux investisseurs, vous diminuez la valeur de l’action du même-montant que le dividende versé. Si une action valant 20$ distribue un dividende de 1$, vous recevrez 1$ et vous serez maintenant propriétaire d’une action de 19$. La valeur finale de votre portefeuille n’a pas changé et vous n’êtes pas plus riche depuis ce versement de dividende. Même si certains croient le contraire, il s’agit de la logique financière mathématique du dividende. Si ce n’était pas le cas, il serait possible d’acheter des actions de dividendes simplement avant leur versement (date ex-dividende) et s’enrichir de ce montant avant de revendre systématiquement l’action après le versement… Ce n’est pas le cas. C’est un calcul à sommes nulles, mais j’irais même jusqu’à dire que vous serez possiblement plus pauvre après le paiement du dividende…
La fiscalité désavantageuse
Le versement d’un dividende à un particulier (dans un compte non enregistré) occasionne un impôt sur le revenu de dividende. Cet impôt variera en fonctions de vos revenus et du pays de résidence de la société, mais vous serez « appauvrit » parce que le gouvernement devra prélever son dû.
Dans le cas où l’entreprise ne verserait pas de dividende ou si elle redistribue ses bénéfices en procédant à un rachat d’action, la valeur du portefeuille pourrait s’apprécier principalement par la plus-value du titre. Vous pourriez alors choisir de vendre des parts de ce titre, lorsque bon vous semblera. Vous aurez ainsi un gain en capital qui sera fiscalement plus avantageux qu’un dividende dans la plupart des cas. De plus, puisque vous choisissez « quand » vendre le titre, vous pouvez ainsi reporter l’impôt sur le titre pendant très longtemps ou choisir stratégiquement de déclencher un gain à un moment fiscalement opportun. Vous avez ainsi plus de flexibilité fiscale.
La très mauvaise diversification
Les investisseurs canadiens, qui ne jurent que par les actions procurant un gros dividende, stable et croissant, auront une bien mauvaise diversification de leurs actifs. Leur portefeuille sera formé très majoritairement (ou exclusivement) d’actions du secteur bancaire, du secteur de l’énergie et de services publics et celui des télécommunications. La stratégie d’investissement la plus rationnelle reste la diversification du portefeuille. Ne pas mettre ses oeufs dans le même panier est un adage populaire. La forte concentration dans seulement 3 secteurs est un risque supplémentaire pour le portefeuille de l’investisseur et ce risque ne peut permettre d’espérer des rendements plus élevés pour le portefeuille à long terme.
L’investisseur canadien qui choisit d’investir dans des compagnies étrangères versant un dividende pourrait se retrouver avec un peu plus de diversification, mais d’autres désavantages fiscaux.
D’abord, les dividendes de compagnies étrangères versés à un Canadien sont imposés comme du revenu ordinaire (aucun avantage fiscal). De plus, les pays étrangers peuvent conserver un prélèvement d’impôts à la source. Les investisseurs qui choisiront d’investir dans un compte enregistré pourraient perdre ces retenues à la source, n’ayant bien souvent aucune façon de réclamer un crédit pour impôt étranger.
Les adeptes de l’investissement basé sur les dividendes sont normalement agressivement attachés à leur méthode d’investissement et en parleront à qui veut bien l’entendre (parfois même aux autres). Je tiens à réitérer qu’il ne s’agit pas d’une méthode rationnelle d’investissement permettant un meilleur ratio de risque et rendements espérés. La stratégie est fiscalement moins avantageuse et procure une mauvaise diversification du portefeuille. Ceci étant dit, le but n’est pas non plus de tenter d’éviter complètement les actions versant un dividende.
La gestion des biais comportementaux
Je terminerais en mettant un bémol à ma vision sombre de cette stratégie. Cette stratégie pousse les adeptes à avoir certains bons comportements face à leurs actions. L’investisseur en dividende aime son portefeuille et en prend normalement soin. Il va profiter plus facilement des baisses des marchés pour acheter plus d’actions. Il résiste plus facilement à la volatilité. Il détient son portefeuille plus longtemps et n’a pas tendance à faire de fréquentes transactions. Tous ces comportements sont pour moi des facteurs comportementaux très positifs pouvant entrainer de bons résultats à long terme, lorsque comparés à d’autres stratégies inefficientes comme le « Day trading ».
Ce n’est pas parfait, mais c’est mieux que plusieurs autres stratégies…
Sachez que rationnellement et basé sur les évidences financières, la meilleure stratégie est l’investissement dans des fonds indiciels à faible coût, diversifiés mondialement dans tous les secteurs et tenant possiblement en compte les facteurs générateurs des rendements du marché. Le choix d’actions individuel est une méthode d’investissement irrationnelle pour votre argent. Si vous êtes convaincu du contraire, tentez de me le prouver avec des études valables et impartiales :).
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